dimanche 25 août 2019

CIVETTA - VIA ASTE - SUSATTI-


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UN WEEK-END A LA « REINE DES PAROIS »





Profitant du we du 15 août, je rejoins mes deux compagnons à la gare centrale de Verviers. Nous quittons celle-ci le mercredi 14 à 18H30, après le boulot.

Notre objectif : les Dolomites et plus précisément la Civetta surnommée « la Paroi des Parois ». 
En effet son versant nord-ouest est sans égal parmi les parois calcaires des Alpes, il se développe sur plus de 7 km de long et près de 1.200 m de hauteur en son point le plus haut, celui-ci culminant à 3.200 m d’altitude


                                                                                                                   
Pour gravir cette montagne, notre choix s’est porté sur la voie Aste Armando, une des grandes classiques historiques de la paroi.
                                                                                                                     
Vers 5 heures du matin, les Dols sont en vue et par un long chemin rocailleux nous atteignons enfin un alpage et parking, qui sera le point de départ vers le refuge Coldai à 2.132 mètres.

 
Après un petit déjeuner succinct et un bref repos, nous décidons d’aller reconnaître le point d’attaque de notre futur itinéraire.

Nous montons à toute allure le sentier qui nous sépare du refuge, ensuite droit vers une immense brèche dominant le petit lac de Coldaï et la paroi tant convoitée, brrr… plutôt impressionnante.

Lago Coldaï alt. 2143 m.



Nous longeons le pierrier, et, peu après, nous repérons deux dièdres parallèles qui se rejoignent à leur base : L’Andrich à gauche, La Aste à droite.  

Bon ben, ce sera pour demain. Nous redescendons au parking chargeons les sacs, et remontons dans la foulée, en chantant. Ce n’est pas évident du tout, il faut du souffle...

Nous bivouaquons non loin du refuge… Quatre heures du matin, le bip bip de ma montre me sort de ma léthargie. Philippe, Luc, debout c’est l’heure…

Légère collation et vers 6 heures, nous franchissons le court névé qui barre l’attaque.

Les 150 premiers mètres de couloir ne posent pas de problème, et celui-ci nous amène au pied de la paroi, ou fissures, dièdres, dalles se succèdent dont une longueur en cheminée  escalade variée.
Tout se passe bien malgré des passages assez durs et certaines longueurs complètement dingues qu’importe, nous avons un moral d’acier et le temps est au beau fixe…

Mais nom de D…, le ciel s’assombrit, c’est pas vrai !!! Si … Il tonne au loin … non ce n’est rien, l’orage va passer à côté.
Des nuages ascendants filent à une vitesse vertigineuse le long de la paroi, la vallée disparaît de notre vue, vite vite nous entendons crier Luc « relais », mais trop tard, la pluie se met à tomber drue, très vite remplacée par de la grêle accompagnée par des éclairs et le tonnerre …Tout le cirque quoi ! Bordel, c’est la poisse et plutôt impressionnant.
Luc est à l’abri sous un grand toit. Philippe et moi complètement trempés sur une étroite vire, c’est une véritable cascade qui nous tombe dessus canalisé par une grosse fissure située juste au-dessus de nous et quel gaz !!
         
Entre-temps, nous avons été rejoint par le premier d’une cordée italienne qui nous demande de l’aide pour franchir la longueur suivante devenue quasiment impraticable, et particulièrement dangereuse le rocher dégoulinant de partout.
 
Nous attendons impuissants la fin de l’orage et après quelques manœuvres peu recommandables, nous nous retrouvons à six échelonnés sous le grand toit, ce qui bien sûr nous a fait perdre énormément de temps.
                             
Bon gré mal gré nous franchissons la dernière grosse difficulté 6c dégoulinant qui laisse des souvenirs impérissables et gravissons la cheminée terminale, dans une semi-obscurité et à la limite de l’adhérence, mais très vite, nous sommes forcés d’arrêter, n’y voyant plus rien. Il est 21 heures le bivouac est inévitable.

Epuisés physiquement et moralement on le serait à moins, les deux Italiens qui se trouvent une longueur en-dessous nous hurlent avec virulence, qu’il n’est pas possible de passer la nuit dans ces conditions précaires et qu’il faut illico appeler du secours.
Par l’intermédiaire de leur premier de cordée plus serein et qui se trouve avec nous, je réponds que c’est totalement inutile et que personne ne viendra nous chercher ici.

La nuit tombe et devant leur insistance qui vire à l’affolement, je lance à intervalles réguliers les trois points trois traits trois points d’usage (SOS) car il n’y a que moi qui possède une frontale.

Dix minutes plus tard, de la vallée un immense projecteur nous réplique, bien reçu, on vous a repérés les secours sont prévus pour demain. Devant l’évidence, ils ont fini par se calmer et subir comme nous ce fâcheux bivouac de m…

Je vous passe les détails, mais nous allons y passer 9 heures ½ à quatre sur 1 mètre carré à 3000 mètres d’altitude, sans boire ni manger, debout pour certains, grelottant et s’efforçant de ne pas dormir, … oui plutôt atroce, j’en conviens.

Au petit matin, c’est transi de froid et complètement ankylosés que nous gravissons les deux ultimes longueurs, enfin le soleil ! Ses rayons nous apportent chaleur et réconfort, mais ce n’est pas terminé pour autant. Il nous reste 3 heures de descente par la via Ferrata.

C’est vers 11 heures que nous rejoignons le refuge, fourbus et déshydratés ou nous sommes accueillis par un comité de réception (pour avoir mis en branle les secours pour rien en somme et notamment un hélico basé à Cortina d’Ampezzo, la note salée, je suppose ? fut présentée à juste titre, à nos sympathiques compagnons d’infortune)

Après s’être désaltérés copieusement, c’est une nouvelle fois sous l’orage que nous redescendons au parking. Environ 32 heures non-stop et la Belgique est encore à plus de 1000km…

Le surlendemain au boulot, les copains nous demandent et alors ce W.E. ? SUPER !!!


PUNTA CIVETTA 2.920 m

Paroi nord-ouest


Voie ASTE - SUSATTI  Le 26, 27 et 28 juillet 1954

Dénivellation totale : 800 mètres

Difficulté : ED
Très belle escalade se déroulant totalement à l’ombre et malgré quelques passages de rochers peu solides.
Les difficultés sont concentrées dans les derniers 450 mètres.
Le passage clé se passe en libre 6c pour le reste ensemble de  4c- 5a- 5b- 5c - 6c et A0.


Participants :
Luc MAGERMANS- Philippe SIMON- Jean-Claude VITTOZ - 1985

Matèriel :
Il est prudent d’emporter un jeu de coinceurs du n° 1 au 8 et un choix de pitons toujours utiles car nous sommes tombés sur deux relais non équipés (1985) et dans l’impossibilité de placer des coinceurs. 
Le casque est bien entendu recommandé. 
D’autre part, il est préférable de parcourir cette voie en cordée de deux. 

Descente :

En versant Est, par la facile Via Ferrata degli Alleghesi:
  

TOPO :


 

Beaux clichés de Philippe Brass qui reflètent bien l’ambiance de la voie en 2015

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Et ceux de Nicolas Zambetti en 2019













Bibliographie:
Les Dolomites Orientales de GINO BUSCAINI aux éditions DENOEL. 

«  La précarité est inhérente à notre activité d’alpinistes » Gino BUSCAINI.

 Que nous sommes petits au pied de la montagne